Comprendre la dimension politique de la lingerie

Lingerie et politique sont-elles si éloignées que ça ? Pas vraiment si l’on interroge la perception du corps des femmes dans la société comme dans l’espace public. Théâtre de notre intimité, nos dessous sont bien plus que des vêtements de maintien ou de séduction. Dans cet article, nous allons explorer la dimension politique de la lingerie, en questionnant l’ambivalence entre son rôle d’outil objectification et d’émancipation du corps de la femme.

 

Nos dessous : outil d’oppression ou espace de résistance ?

Pendant des siècles, la lingerie était synonyme d’esthétisme, de contrainte, mais également de honte. Elle servait à faire entrer le corps dans un idéal inatteignable et à dissimuler ces courbes de tentatrice originelle.

Dès le XVIᵉ siècle, le corset force le buste à prendre une certaine forme qui affine la taille et donne l’apparence d’une silhouette « parfaite ». De plus, les faux-culs, une extension de la robe qui donnait l’impression de hanches plus large quelques générations plus tard ont aussi contribués à la modification du corps. La silhouette naturelle d'une femme n’était jamais assez bien, elle devait être transformée et standardisée pour correspondre aux canons de beauté de l’époque.

Ces pièces de lingerie étaient souvent inconfortables et pouvaient nuire à la santé des femmes. Les corsets coupaient la respiration et restreignaient l’appétit alors que les lourds empilements de jupons et crinolines inhibaient le mouvement. Les injonctions à la silhouette parfaite les entravaient dans les tâches quotidiennes et les empêchaient physiquement de s’accomplir.

C’est au tout début du XXe siècle que les femmes ont pris leur revanche sur les diktats de la lingerie. En 1906, le couturier Paul Poiret ainsi que Madeleine Vionnet ont tout deux amorcé la fin du corset en le supprimant de leurs silhouettes, chacun à leur manière. Puis durant les Roaring 20’s où les vêtements comme les dessous sont devenus plus amples et ont permis davantage de mouvement. Enfin avec la révolution sexuelle des 60’s.

Durant cette décennie riche en mouvements sociaux, l’acte de brûler les soutiens-gorge est devenu un symbole de la libération. Cette pratique est souvent associée au rassemblement du 7 septembre 1968, lors du concours de Miss America à Atlantic City.

Des militantes féministes ont organisé une manifestation devant le concours de beauté, contestant la façon dont les femmes étaient utilisées comme des objets de désir pour les hommes. Elles ont jeté des soutiens-gorge, des porte-jarretelles, des talons hauts et d’autres articles de lingerie dans une « poubelle de la liberté » pour symboliser leur rejet de ces pièces qui les opprimaient.

L’événement a été largement médiatisé et a contribué à attirer l’attention sur la lutte pour l’égalité des sexes. Il a également encouragé les femmes à se rebeller contre les normes oppressives qui leur étaient imposées en matière de mode et de lingerie.

D’abord outil de domination, les dessous sont devenus un vecteur d’empouvoirement.

 

Une Inclusivité jusque dans le design

Au-delà de la réappropriation du corps par les femmes, la lingerie s’est fait le reflet d’autres mutations sociales à travers son design.

Alors que les designs et les campagnes de communication jouaient la carte du corps parfait aspirationnel, les consommatrices ont fini par se sentir exclues. Une lassitude du corps de rêve des supermodels des 90s se faisait ressentir. Les designs flatteurs étaient réservés aux petites tailles, la couleur nude correspondait uniquement au beige et les grandes tailles étaient une catégorie à elle toute seule, non sans injonctions.

Petit à petit, la lingerie a dépassé l’injonction au sexy pour devenir un outil d’expression de soi, de confiance et de confort.

Depuis la fin des années 2000 et tout au long des années 2010, les marques de sous-vêtement ont commencé à se concentrer sur des pièces plus confortables et pratiques, avec moins d’armatures et plus de tissus doux et extensibles.

Puis, en phase avec l’évolution de notre société vers plus d’inclusivité, les créateurs et créatrices des marques ont repensé le design des culottes et des soutiens-gorge pour célébrer la beauté naturelle de chaque individu. Aujourd’hui, un nombre croissant de labels optent pour une communication non genrée et une diversité d’identité dans leurs mannequins. Des marques de lingerie spécialisées dans grandes tailles, adaptées aux personnes en situation de handicap ou encore pour les personnes trans se développent aussi beaucoup en ligne.

Il reste bien évidemment un long chemin avant que toutes les morphologies soient représentées dans les campagnes des grandes marques. Cependant, de plus en plus de femmes trouver des pièces qui leur conviennent et qui leur permettent de se sentir bien dans leur corps, sans avoir à forcer leurs courbes à entrer dans les dessous.

Marques et créateurs ou créatrices osent penser les pièces de lingerie fine comme un espace safe où l’on peut expérimenter son rapport au corps, le dépatriarcaliser et le décoloniser.

 

Le choix des matières et des modes de production : la lingerie et le développement durable

Enfin, la question écologique a toute sa place dans le monde merveilleux de la lingerie. L’industrie du vêtement est l’une des plus polluantes et nos dessous ne font pas exception.

D’une part, les matières synthétiques utilisées pour la confection, comme le polyester et le nylon, sont fabriquées à partir de produits chimiques et ne se décomposent pas facilement. D’autre part, la production de coton pour la lingerie nécessite une immense quantité d’eau et de produits chimiques, ce qui nuit à l’environnement. N’oublions pas que la Mer d’Aral a disparu à cause de la culture du coton.

Pour illustrer l’impact de la lingerie sur l’environnement : un seul soutien-gorge consomme en moyenne 16 litres d’eau et produit environ 1,5 kg de gaz à effet de serre. Sans compte que pour l’élaboration d’un soutien-gorge il faut compter une multitude de prototypes de chaque taille pour créer le design idéal.

Le choix des matières est donc un acte politique, et les marques qui utilisent des matières durables et écologiques pour la lingerie envoient un message fort sur l’importance de la durabilité environnementale. Il en est de même pour le choix du lieu et du mode de production. De plus en plus de consommatrices se tournent vers de marques Made In France. Nous vous avons préparé un article complet sur le sujet juste ici.

 

Vous l’aurez compris, tout acte d’achat est aujourd’hui une prise de position en faveur ou en défaveur d’un futur plus égalitaire et plus durable. La lingerie est toujours plus qu’une industrie du sexy, nous en sommes plus que convaincues ! Pour continuer de découvrir notre philosophie des dessous, nous vous recommandons de poursuivre votre lecture avec cet article.